Un parcours bouleversant à découvrir ! 😢
Comment faire face à l’incompréhension et à l’absence de communication ? 🧩
Dans cette vidéo, je partage mon combat pour comprendre mes proches : mon fils qui semblait distant sans explication, et ma mère gravement malade dont personne ne me transmettait les informations essentielles. Sans accès à la Langue des Signes Française (LSF), j’ai dû assembler seul les pièces d’un puzzle douloureux.
💔 Un témoignage fort sur l’isolement et la quête de vérité.
🎥 Lisez et Regardez cette vidéo pour découvrir une histoire poignante et pleine d’émotion ! 👇
Texte d’histoire* :
Trois pièces manquantes, aux puzzles de ma vie :
- 1ère pièce manquante :
Un jour que je venais chercher mes trois enfants chez leur mère à Pau, mon ex compagne m’interpela sur un point important concernant Alex qui avait 7 ans. La manière avec laquelle elle procéda, me donna l’impression d’un puzzle à finir alors qu’il me manquait une pièce. En effet, elle voulait que je trouve seul la solution au problème de notre enfant, sans rien n’y comprendre. Elle conclut ainsi :
- Tu lui demanderas …
Je me tournai alors vers Alex pour lui demander :
- Toi et moi, il y a un problème ?
Du haut de ses 7 ans, que pouvait-il répondre de plus que : « je ne sais pas ». Ce n’était évidemment pas de sa faute s’il ne savait pas s’expliquer. Alors je me retournai vers sa mère :
- Dis-moi comment discuter avec lui sans LSF ?
- Tu te débrouilles avec lui.
- …
Ce long trajet allait me donner tout le temps pour ruminer, mais je voulais éviter de trop y penser. Pourtant le souvenir de mon frère au téléphone avec ma mère, me revint. Quand je voulais savoir ce qu’elle lui racontait et qu’il me répondait de voir directement avec elle quand elle rentrerait. Je passais mon temps à attendre qu’on veuille bien m’expliquer. Et quand le soir arrivait, ma mère ne m’apportait pas plus de réponse. Mon ex agissait exactement de la même manière et c’était insupportable. De plus, les enfants et moi n’avions pas la même langue et je ne pouvais même pas avoir de réelle discussion avec eux.
Avant de prendre la route, je me retournai à genoux sur mon siège pour signer à petit « ça va ? » à Alex. Il me répondit en souriant :
- Oui papa.
- C’est quoi problème avec papa ?
- …
Il haussa les épaules en guise de « je ne sais pas ». J’ajustai le rétroviseur pour mieux voir son visage. Ce fut difficile de me concentrer sur la route car j’étais focalisé sur lui. La situation me tracassait d’autant plus que je n’avais jamais eu aucun souci avec lui, malgré l’absence de communication en LSF. C’était comme si je devenais fou.
Je passais les vacances de la Toussaint à rassembler les pièces de ce puzzle incompréhensible. Mais toujours cette pièce manquante. Les solutions que je pensais avoir, ne correspondaient jamais à ce trou béant. Je devais redoubler d’effort pour solutionner ce problème. Après avoir roulé toute la nuit, je ramenai les enfants chez leur mère le matin. Je devais m’expliquer avec mon ex :
- Je n’ai pas trouvé où est le vrai problème que tu me disais. S’il te plait …
- Désolée, la prochaine fois tu lui en parleras encore …
- …
De retour sur Poitiers, je n’avais que ça en tête. Je rassemblai toutes les images que j’avais des
enfants pour tenter de percer ce mystère. Je finis par me rappeler avoir vu leurs larmes pendant les
trajets la nuit. J’avais déjà eu cette intuition sans en être sûr.
Pour ramener les enfants au moment des vacances de Noël, j’avais décidé de prendre la route au
calme. Pour cela, j’étais parti de Poitiers à 4h30 du matin afin d’arriver de bonne heure à Pau dans
la matinée du 24 décembre. Voilà ce que j’ai dit à leur mère en arrivant :
- Je pense qu’Alex ne supporte pas les trajets de nuit, car il n’arrive pas bien à dormir. Alors j’ai décalé mon heure d’arrivée. C’était bien ça le problème ?
- Voilà, c’est ça, tu as bien compris …
J’avais été obligé de trouver par moi-même. Pour cela, j’ai fouillé dans ma mémoire le moindre indice me permettant de résoudre ce problème. Ce que je trouve rude, c’est la manière avec laquelle les gens me dénigrent et refusent de m’apporter des réponses.
- 2ème pièce manquante :
Un matin de février 2014 je suis allé chercher les enfants à Pau. Comme à mon habitude je me garai devant la maison. Posté debout, à côté de ma voiture, j’attendais que les enfants arrivent. Alex sortit en premier. Mais il avait les yeux rougis par les larmes et sa mère le poussait pour qu’il vienne à moi. Je dis alors de ne pas insister et de laisser. Alex fit demi-tour et rentra. D’habitude si joyeux de me voir, je ne comprenais pas pourquoi il était comme ça. Alors je demandai à leur mère :
- Pourquoi il réagit comme ça?
- Je sais pas … je comprends pas non plus …
Max et Noa arrivèrent à leur tour, leur mère les accompagna jusqu’à la voiture pour les attacher pendant que je leur tenais la portière. Tout à coup, j’aperçu du coin de l’oeil, du mouvement au niveau de l’encadrement de la porte de la maison. C’était Alex qui avait pointé le bout de son nez devant la porte du domicile de leur mère. Il me faisait le signe de « I love you » tout en pleurant. Il n’y avait rien de logique: « I love you » alors qu’il ne voulait pas venir. Qu’est-ce qu’on me cachait ? Cette image de lui me retourna.
Une fois à Poitiers, je me sentis gauche car j’avais l’habitude de m’occuper de trois enfants, pas de deux. Je n’arrivais pas à m’enlever Alex de la tête. Cette pièce de puzzle manquante me tourmenta toute la semaine. Ce fut terriblement difficile de continuer à m’occuper des deux autres comme si de rien n’était. Les « pourquoi » s’accumulaient dans mon esprit et les jours s’égrainaient. Comme je n’avais pas le moindre indice, j’envoyais des SMS à mon ex compagne pour tenter d’en savoir plus. Mais elle répondait toujours qu’elle ne comprenait pas non plus et qu’Alex ne voulait pas en parler, pas même par Skype. J’imaginais le pire. Était-il maltraité ? Ça me rendait malade. En plus, je ne pouvais même pas en discuter avec lui car il ne connaissait pas la langue des signes. Il fallait que je trouve un moyen de résoudre ce problème rapidement. Mais comment prendre contact avec lui? C’était comme quand j’étais gamin et que je voulais démêler l’histoire des 500 francs. Je savais que je n’étais pas le responsable, et pourtant c’était à moi de trouver la pièce du puzzle tout seul. C’était épuisant et ça me demandait beaucoup de courage. J’ai donc préféré laisser les choses se décanter et attendre le jour où il viendrait à moi de lui-même. Ce qui me dérangeait, c’était qu’il ne veuille pas de Skype. C’était pourtant une bonne solution pour discuter, mais il le refusait d’après sa mère.
Quand je ramenai les deux enfants, Alex vint me voir :
- Pardon papa.
Puis il disparut aussi vite qu’il était apparu sans embrassade, sans rien. J’avais passé une semaine entière à me triturer l’esprit pour un simple « pardon papa ». Je restai là, sans véritable réponse, non convaincu par ces quelques mots. Il était devenu quelqu’un d’autre. Avant, il venait facilement vers moi, alors qu’est-ce qui avait changé ? Je me sentais encore plus dévalorisé dans mon rôle de père.
Des semaines passèrent sans que rien ne change. Ne pas comprendre, me rendait malade. Attendre encore et encore m’était insupportable. Je devais agir et trouver un moyen de le faire parler. J’eus l’idée d’une réunion de famille lors de laquelle je proposerais un jeu avec des Playmobil® et des cartes que j’aurais fabriqué. J’avais pensé à cette méthode visuelle et simple à manipuler pour les enfants. Il suffisait de pointer et déplacer les cartes ou les personnages. La communication pouvait passer ainsi sans la présence d’un interprète qui les rendait mal à l’aise. J’avais donc fait des cartes avec des mots écrits : Poitiers, Pau, maison, appartement, animaux de compagnie, objets divers … Les enfants n’avaient plus qu’à les faire correspondent en fonction des lieux. Par exemple : à Pau il y a …, à Poitiers il y a … Ils participèrent de bon coeur sans se douter du but de l’exercice. Puis arriva le moment de parler des personnages. Je leur posai cette dernière question :
- Alors moi, je vis où ?
- Poitiers.
Sur la table, les enfants avaient le choix entre les cartes « père » et « beau-père » - j’en avais découpé 3 de chaque. Il leur suffisait donc de prendre le personnage de leur choix sur « Poitiers ». J’attendais avec impatience la réaction d’Alex. Alex et Noa prirent la carte du « père », puis ils me regardèrent en attente d’une quelconque approbation. Alex était coincé, ses frères savaient que cette partie le mettrait en difficulté. Il hésitait. « Père » ou « beau-père »? Soudain, la vérité éclata par ses sanglots :
- Pardon … s’il te plait … te fâche pas …
- Mais non je fâche pas. Viens, fais câlin, papa.
Après des semaines à en devenir fou, j’avais enfin ma réponse. Alex savait que je n’étais pas son père biologique et ne voulais pas me le dire pour ne pas me blesser. Dommage d’avoir été obligé d’utiliser ce stratagème pour pallier l’absence de communication. Si l’interprète avait été là, la question aurait été réglée en une fraction de seconde, mais ils n’en voulaient pas – surtout pour ces moments intimes. Devant ses frères, Alex se sentit contraint de prendre la carte « beau-père » et la posa. Puis il se serra fort contre moi. Ce long moment dans les bras l’un de l’autre, nous apporta du réconfort à tous les deux. Le jeu avait réussi à le faire s’exprimer sans que cela lui soit reproché par ses frères. Je rajoutai :
- Tu sais, papa aime beaucoup toi. Toa peux dire : « Cédric » ou « papa ». Toa choisis.
- NON. « Papa » !!
- Alors enlève « beau-père », mets « papa ».
Alex et Noa nous regardaient sans rien dire. Alex déchira la carte « beau-père » et la jeta à la poubelle. Il était redevenu le Alex que je connaissais. Grace à ce jeu, j’avais pu trouver la seconde pièce manquante du puzzle. Mais à mon tour, j’éprouvais un mal être, une blessure, une déchirure. J’avais été fier de le reconnaître à la mairie même s’il n’était pas mon fils de sang. Mais lui, n’était pas au courant de ça.
- 3ème pièce manquante :
Pendant les vacances d’été 2014, ma mère me préoccupait. Je n’arrivais pas à déterminer ce qui n’allait pas, mais je trouvais que sa santé se dégradait. Quand je lui demandais, elle me répondait qu’elle allait bien et que je devais lui faire « confiance ».
En septembre, il y eu l’Assemblée Générale de l’Association des Sourds de Poitiers, lors de laquelle, nous devions renouveler les membres du bureau. J’avais proposé ma candidature au poste de président ; je venais tout juste d’être élu par le conseil d’administration, que je reçus un SMS de ma mère me demandant de venir vite car elle n’allait pas bien. Je quittai aussitôt la salle sans attendre la fin de la séance.
En arrivant chez elle, je constatai qu’elle était vraiment malade, mais elle me rassura :
- Ne t’inquiète pas, je vais bien.
Il était clair qu’elle ne voulait pas m’avouer son état réel, comme si elle ne voulait pas rajouter d’inquiétude aux tracas que j’avais déjà. Elle me demanda que je l’emmène au CHU, mais elle était incapable de poser un pied par terre et je n’arrivais pas à l’aider à se lever. Je lui proposai plutôt d’appeler le Samu. Par contre, je ne pouvais pas appeler pour elle. C’est donc elle qui appela puisque le 114 n’existait pas encore (le 114 a été créé en 2011). L’ambulance arriva peu de temps après. Je voyais les urgentistes s’affairer autour de ma mère et passer des appels – sûrement pour contrôler ses constantes et avoir un avis médical. Mais je n’étais au courant de rien. Personne ne me tenait au courant de quoique ce soit, pas même ma mère. Cette situation m’énervait et j’eus envie d’intervenir, mais ma mère m’en empêcha en me posant la main sur l’épaule. Les ambulanciers l’emmenèrent à l’hôpital ; je les suivis.
C’était comme si ma mère m’avait donné une pièce de puzzle pour que je devine par moi-même ce qui se passait. Sans explication. Ça recommençait. L’épisode avec Alex était encore tout frais. C’était d’ailleurs sûrement pour cette raison qu’elle m’avait caché ses soucis de santé.
Une fois aux urgences, la seule information qu’elle me donna, fut :
- Tu vois … poumons … dedans … eau. Air … plus … place. Respirer … difficile
Comment pouvait-elle avoir dans l’eau dans les poumons. Je n’avais jamais vu ça. Pour moi, « de l’eau dans les poumons » signifiait qu’on était mort. Comme on voit dans les films, des gens réanimés qui recrachent de l’eau après une noyade. J’étais perplexe. Ma mère ne pouvait pas marcher car elle avait les poumons remplis d’eau ? Comment avait-elle fait ? Elle avait trop bu ? Assis à côté d’elle, je cogitais pendant une bonne demi-heure. Je devais lui faire de la peine, car je ne comprenais rien de ce que disaient les gens qui allaient et venaient autour d’elle. Alors elle me proposa d’une voix faiblarde :
- Tu peux partir. Tu t’ennuies ici. Pars …
- Non. Je veux savoir. Quoi problème….
- T’inquiète pas. Ça va allait. S’il te plait.
- Sûr ?
Elle me fit un « oui » de la tête. Alors j’obéis et je la laissai avec un sentiment d’injustice. Ma mère savait tout, mais ne m’avait rien dit sur l’historique de sa santé. Depuis juillet mon karma devait être mauvais. D’abord les enfants, maintenant ma mère – alors que je venais tout juste d’être élu président d’association.
A partir de cette nuit, et jusqu’au mois de décembre de la même année, ma mère est restée à l’hôpital. Différents professionnels de santé se relayaient à son chevet. J’étais aussi très souvent présent. Plusieurs parties de son corps étaient malades. Souvent, je demandais aux soignants, par écrit, qu’on m’explique. Mais, prétextant un manque de temps ou un autre patient à aller voir, ils refusaient. L’oral était plus rapide, mais je ne pouvais pas comprendre – surtout si des termes médicaux étaient employés. Mon frère et mon beau-père, eux, n’avaient aucun souci de compréhension, et savaient l’avancement des soins ; moi je n’avais rien de tout ça. Et même si j’avais deviné qu’il s’agissait d’un cancer, à aucun moment on venait me rassurer. Pour avoir des éléments de réponse, j’essayais de choper des mots sur les lèvres de ceux qui défilaient dans sa chambre. Impossible de finir le grand puzzle blanc de mon incompréhension. J’avais beau le regarder, il n’avait aucun sens pour moi. Malgré tout, je gardais la pièce dans ma poche.
Quand les médecins venaient voir ma mère, qui était alitée, ils l’encerclaient. Moi, je me postais six bons mètres en arrière et je les voyais s’affairer ; échanger ; discuter. Ils savaient parfaitement que j’étais son fils ainé. Mais ils m’ignoraient ; ils me mettaient à l’écart. J’étais parvenu à attraper deux mots en vol, comme des pièces du puzzle tombées au sol : « sédatif » - « plus fort ». Je m’en emparai. Avec ces nouvelles pièces, je devinais que la fin était proche. Mais quand ? Mon frère et mon beau père avait sûrement pu se préparer à cette fin et avaient dû l’accepter. Tandis que moi, je n’avais pas fini de rassembler les pièces de mon puzzle.
La nuit du réveillon du Nouvel An, la famille était venue rendre une dernière visite à ma mère à l’hôpital. Quand tout le monde fut dans le couloir, je me retrouvai seul devant son lit. Elle dormait. Au fond de moi, la rage bouillait. Au moment de la quitter, je l’embrassai et lui dis que je l’aimais. C’était ma dernière chance de lui dire, car elle s’éteignit cette même nuit. Il était temps, désormais, de me débarrasser de ces pièces encombrantes. Alors je les rassemblai pour les ramener chez moi.
Mais le puzzle restait flou. Une semaine après, la famille se retrouva dans la chambre mortuaire du pôle cancérologie. Assis dans un coin, je les regardais qui discutaient. J’attendais avec impatience l’arrivée de l’interprète. Quand elle fut là, je me dirigeai aussitôt vers mon frère. Nous nous isolâmes dans une petite salle pour discuter en privé. Il se demandait ce que je lui voulais. Il me dit d’emblée :
- J’écoute, mais je ne veux pas qu’on parle des problèmes … entre nous … du passé.
- Ok, mais ça n’a rien à voir.
- Ok, j’écoute …
- Tu sais, tu as appris beaucoup choses sur ma mère. Tandis que moi, rien. S’il te plait, raconte-moi maintenant. Je n’ai pas encore accepté sa mort, toi tu as déjà accepté. Alors explique-moi maintenant pour que je sache.
J’avais besoin qu’il me transmettre ces éléments essentiels pour que je puisse faire mon deuil. Pour cela j’avais payé les services d’un interprète. C’est profondément injuste d’être obligé de faire appel à une tierce personne pour avoir enfin quelques miettes d’information. Mon frère s’exécuta et me résuma les quatre mois de maladie de ma mère en moins de quinze minutes. Ce fut difficile à digérer.